24 janeiro 2017

retalhos da vida de um tradutor (2)

A propósito do meu post anterior, falaram-me de uma entrevista com Bérengère Viennot - uma tradutora que também se queixa da duríssima tarefa de traduzir Trump.

Vale muito a pena ler o artigo "Pour les traducteurs, Trump est un casse-tête inédit et désolant", que ela escreveu (texto em francês) (e reparem no primeiro título, no próprio link: traduire-trump-mourir-un-peu), e a entrevista "Lost in Trumpslation"  (texto em inglês).
A minha vontade era copiar tudo para este post, mas vou-me limitar a passar meia dúzia de frases do artigo em francês sobre o trabalho de traduzir, por um lado, e os dotes de retórica do Trump, por outro, e a recomendar muito a leitura da entrevista em inglês. Esta última repete parte da análise do primeiro texto, refere a dificuldade do trabalho do tradutor e das suas exigências éticas e linguísticas, e alarga a análise para a questão da retórica dos políticos franceses e o perigo da subtileza nos discursos nacionalistas.


De déclaration-choc en tweet assassin, le discours et le ton de Trump s’est répandu et j’ai été amenée à le lire, l’écouter et le traduire de plus en plus. Et puis il a été élu. Le rythme des traductions de ses discours a accéléré. Et je me suis mise à me demander: mais comment je vais traduire ça?
Ce n’est pas une question de compréhension. Trump est extrêmement facile à comprendre. Contrairement à son prédécesseur, il n’emploie pas le second degré, ne fait jamais la moindre référence culturelle et il n’a pas encore prononcé de très long discours. En outre, il utilise un vocabulaire très simple, comparable, à la louche, à celui qu’est censé posséder un élève américain niveau 5e.

(...) Son manque de vocabulaire apparaît évident très vite; dès lors qu’il s’agit de parler d’autre chose que de sa victoire, il s’accroche désespérément aux mots contenus dans la question qui lui est posée, sans parvenir à l’étoffer avec sa propre pensée. Ce qui donne ce genre de choses:Question du journaliste: J’aimerais beaucoup que vous me disiez comment vous comptez gérer ce groupe de gens, qui ne sont peut-être pas réellement majoritaires mais qui ont certaines attentes vis-à-vis de vous, et qui sont mécontents à cause du pays et de son approche raciale. Ma première question est la suivante: avez-vous l’impression d’avoir tenu un discours qui les a particulièrement galvanisés, et comment allez-vous gérer cela?
Trump: Je ne crois pas, Dean. Tout d’abord, je ne veux pas galvaniser le groupe. Je ne cherche pas à les galvaniser. Je ne veux pas galvaniser le groupe, et je veux désavouer le groupe. Ils, encore une fois, je ne sais pas si c’est les journalistes ou quoi. Je ne sais pas où ils étaient il y a quatre ans, et où ils étaient pour Romney et McCain et tous les autres qui se sont présentés, donc je ne sais pas, je n’avais rien comme élément de comparaison. Mais ce n’est pas un groupe que je veux galvaniser, et s’ils sont galvanisés je veux me pencher sur la question et savoir pourquoi.

(...) La pauvreté du vocabulaire est frappante, quel que soit le contexte. Dans cet extrait mais aussi dans la plupart des interventions de Trump, il passe son temps à répéter les mêmes mots ou expressions en boucle. Que cette pénurie de vocabulaire reflète une pauvreté de pensée que les analystes politiques pourront commenter est une chose. En revanche, en tant que traductrice, Trump me met dans une situation embarrassante. Je ne traduis pas des mots, je traduis des pensées. Des situations, des personnalités, des moments. Et j’emballe tout cela dans un vocabulaire, un champ sémantique qui en français devra créer chez le lecteur la même impression, la même réflexion que celles qui ont été suscitées chez le lecteur d’origine. 


(...) Lors d’un entretien conduit le 10 novembre par un journaliste de Fox News, Trump a déclaré: «You know, I’m, like, a smart person. I don’t have to be told the same thing in the same words every single day for the next eight years.» Ce qui signifie «Vous savez, je suis, heu, un gars malin. J’ai pas besoin qu’on me redise la même chose avec les mêmes mots tous les jours pendant huit ans, hein»

(...) Quel que soit le lieu ou le moment, s’il n’a pas un texte écrit à l’avance, Trump parle comme au café du commerce. Par conséquent, adieu les grandes phrases, les jolies tournures, le vocabulaire fleuri, l’intelligence de la langue. À partir de maintenant et pour les quatre (huit?) prochaines années, je vais devoir faire dans l’efficace, le concret, la politique gouailleuse, si je veux rester fidèle à l’original. Et je dois rester fidèle à l’original, pas seulement à son vocabulaire mais à son ton et à son intention. C’est une des prémisses de la traduction.

(...) En fonction des choix de traduction de ceux qui seront chargés de transmettre la parole de Trump, il sera possible de le faire passer pour un sombre crétin, un crétin tout court, un orateur moyen ou un beau parleur. Vous ne le croyez pas? Et si j’avais plutôt écrit cela: «Vous savez, mes capacités mentales sont assez conséquentes. Il sera inutile de me répéter continuellement les mêmes instructions au cours des huit prochaines années.» Avouez que ça ne fait pas la même impression. Pourtant, le message est le même.

(...) On aurait pu croire que pendant sa campagne, Trump utilisait un vocabulaire basique pour toucher un électorat le plus vaste possible, et notamment celui qui se sent ordinairement exclu de la politique et méprisé par les élites; l’Américain simple qui veut qu’on lui parle franchement. C’est une stratégie valable à mon sens, respectable même car en démocratie les représentants sont censés toucher tout le monde, du plus instruit au moins éduqué.

Mais, dans le cas de Trump, ce n’était pas une stratégie; il est évident que son vocabulaire limité traduit une pensée étriquée. Et le fait que le leader de la plus grande puissance occidentale tienne un discours politique simpliste, pauvre et sans aucune sophistication est plutôt alarmant. En termes de politique, car il sera aisément manipulable, mais aussi parce qu’il est susceptible de donner le ton à une parole politique plus générale. En gros, le risque est celui d’un nivellement par le bas du discours et de la pensée des dirigeants qui s’aligneraient sur le niveau de Trump. Car comme il aime à le répéter, après tout, il a gagné.


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